Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 2.djvu/181

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Mais daignez m’écouter ; Didon, ne croyez pas
Que j’aie à votre insu voulu fuir vos états ;
Ne croyez pas non plus qu’à votre destinée
J’aie espéré m’unir par les nœuds d’hyménée.
Hélas ! fus-je jamais le maître de mes jours ?
Si le ciel, à mon choix, en eût laissé le cours,
Je vous verrais encor, bords chéris du Scamandre !
Mon Ilion encor sortirait de sa cendre,
Et je verrais enfin renaître sous mes yeux
Les palais de mes rois, les temples de mes dieux.
Mais le Destin m’appelle aux champs de l’Hespérie ;
C’est là qu’il a choisi ma nouvelle patrie ;
C’est là qu’il faut porter mes pas et mon amour.
Si Didon, loin de Tyr, qui lui donna le jour,
Sur les bords africains s’est fixée avec joie,
N’enviez point le Tibre aux habitants de Troie ;
Souffrez que, comme vous après mille dangers,
Nous trouvions un abri sur des bords étrangers !
Tout m’arrache à des lieux qui m’avaient trop su plaire,
Et l’intérêt d’un fils, et l’ordre de mon père.
L’un, dès que l’ombre humide enveloppe les cieux,
Terrible et menaçant se présente à mes yeux ;