Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 2.djvu/183

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L’autre à mille remords livre en secret mon âme :
Je l’enlève aux grandeurs que son destin réclame.
Dans ce moment encor le fils de Jupiter,
J’en atteste et mon père, et cet enfant si cher,
A mes yeux éblouis se dévoilant lui-même,
A fait sur moi des dieux tonner l’ordre suprême,
Fait parler le Destin, la gloire, le devoir.
Je crois l’entendre encor, je crois encor le voir.
N’irritez plus vos maux et ma douleur profonde ;
Je vous quitte à regret pour l’empire du monde,
Et ce fatal départ, qui m’arrache au bonheur,
Est le vœu du Destin, et non pas de mon cœur ».
Durant ces mots, Didon, dévorant son offense,
A peine à contenir sa longue impatience ;
Avec le froid dédain de son courroux altier,
Le mesure des yeux, le parcourt tout entier,
Se détourne en silence, et de sa sourde rage
En ces mots à la fin laisse éclater l’orage :
  « Non, cruel, tu n’es pas le sang de Dardanus.
Non, tu n’es point le fils de la belle Vénus !
N’impute plus aux dieux la naissance d’un traître ;
Non, du sang des héros un monstre n’a pu naître ;