Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 2.djvu/189

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Et cherchant à calmer sa douleur accablante,
Ses femmes, dans leurs bras la reçoivent mourante,
Et sur un lit pompeux, au fond de son palais
La portent, détestant les ingrats qu’elle a faits.
Enée... ah, quel regret accable sa tendresse !
Qu’il voudrait de Didon consoler la tristesse !
Mais le respect des dieux de l’amour est vainqueur.
Il retourne à sa flotte où chacun, plein d’ardeur,
Se dispose à voler sur les plaines profondes.
Des vaisseaux, qui longtemps ont oublié les ondes,
On répare les flancs ; et ces vastes apprêts
De chênes, de sapins dépeuplent les forêts.
Des avirons encor tout couverts de feuillage,
Des mâts encor grossiers sont traînés au rivage.
Ou s’empresse, on s’assemble, on voit de toutes parts
Les Troyens par torrents déserter ces remparts.
  Ainsi, quand des fourmis la diligente armée,
Des besoins de l’hiver prudemment alarmée,
Porte à ses magasins les trésors des sillons,
Leur foule au loin s’empresse, et leurs noirs bataillons,
Par un étroit sentier s’avançant sous les herbes,
Entraînent à l’envi la dépouille des gerbes.
L’une conduit la troupe et trace le chemin ;
L’autre, non sans effort, pousse un énorme grain ;