Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 2.djvu/19

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l’onde exilé, j’emmène en d’autres lieux,
Et mon père, et mon fils, et mon peuple, et mes dieux.
Bien loin de ma patrie est une vaste terre,
Que consacra Licurgue au grand dieu de la guerre :
Dans des temps plus heureux, les dieux hospitaliers
Unissaient les Troyens à ces peuples guerriers.
Hélas ! j’y fus suivi par mon destin funeste !
Des malheureux Troyens j’y rassemble le reste :
Sur la rive des mers, un nouvel Ilion,
Elevé par mes mains, avait reçu mon nom.
A la belle Vénus, aux dieux dont les auspices
Sont aux nobles projets funestes ou propices,
J’offre mon humble hommage, et le sacré couteau
Immole à Jupiter un superbe taureau.
J’aperçois une tombe, où de leur chevelure
Le cornouiller, le myrte étalent la verdure :
Mes mains les destinaient aux autels de mes dieux,
Lorsqu’un soudain prodige est offert à mes yeux.
Du premier arbrisseau que mon effort détache
Un suc affreux jaillit sous la main qui l’arrache,
Et rougit, en tombant, le sol ensanglanté.
Un froid soudain saisit mon cœur épouvanté ;