Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 2.djvu/195

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Tout ce qu’exige, hélas ! cet amour déplorable,
C’est qu’au moins il attende un vent plus favorable ;
Que d’un simple délai la stérile faveur
Laisse un peu de ma flamme amortir la fureur ;
Que mon âme, exercée à prévoir cet outrage,
Ait contre mon malheur préparé son courage.
Voilà ce que j’attends, ma sœur, de ta pitié ;
Voilà le dernier soin qu’implore l’amitié.
Qu’il parte après, l’ingrat, qu’il trahisse une amante,
Et bientôt mon trépas comblera son attente ! »
Tels étaient ses discours, ses transports douloureux.
Sa sœur au cher objet d’un amour malheureux
En vain cent fois les porte, et les reporte encore.
Rien ne peut l’ébranler : un pouvoir qu’il ignore
L’affermit, le soutient, l’enchaîne, et dans son cœur
L’indomptable Destin met toute sa rigueur.
Ainsi, des aquilons, ligués contre un vieux chêne,
Lorsque sur l’Apennin le courroux se déchaîne,
Ils s’élancent ensemble, ils sifflent, l’air frémit,
De ses rameaux courbés sous son tronc qui gémit
Les feuillages épars jonchent en vain la terre ;
Lui, ferme sur son roc, triomphe de leur guerre,