Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 2.djvu/205

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Tout à coup sa voix tonne ; elle invoque et Pluton,
Et la triple Diane, et l’ardent Phlégéthon,
Réveille le chaos dans ses abîmes sombres,
Et trouble par ses cris le long repos des ombres ;
Puis d’une onde funèbre elle verse les flots,
Qui du noir Achéron représentent les eaux ;
Exprime un lait impur d’une herbe empoisonnée,
Au flambeau de la nuit par l’airain moissonnée.
Enfin, pour rendre encor le charme plus puissant,
Elle y joint la tumeur que le coursier naissant
Apporte sur son front, et que, pour ce mystère,
On enlève aussitôt à son avide mère.
La reine, sans ceinture, un pied sans brodequin,
Déjà tient son offrande en sa tremblante main.
Dévouée à la mort, en silence elle atteste
Les dieux, sacrés témoins de son destin funeste,
Ces dieux, justes vengeurs des malheureux amours.
  La nuit avait rempli la moitié de son cours ;
Sur le monde assoupi régnait un calme immense ;
Les étoiles roulaient dans un profond silence,
L’aquilon se taisait dans les bois, sur les mers,
Les habitants des eaux, les monstres des déserts,