Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 2.djvu/21

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Je tressaille d’horreur ; mais ma main téméraire
De ce prodige affreux veut sonder le mystère :
Je tente d’arracher un second arbrisseau,
Un nouveau sang jaillit d’un arbuste nouveau.
Tremblant, j’offre mes vœux aux nymphes des bocages,
Au fier dieu des combats ; et mes pieux hommages
Sollicitent des dieux un présage plus doux ;
Et déjà, sur la tombe appuyant mes genoux,
Luttant contre la terre, et redoublant de force,
D’un troisième arbrisseau ma main pressait l’écorce,
Quand du fond du tombeau (j’en tremble encor d’effroi)
Une voix lamentable arrive jusqu’à moi :
« Fils d’Anchise, pourquoi, souillant des mains si pures,
Viens-tu troubler mon ombre, et rouvrir mes blessures ?
Hélas ! respecte au moins l’asile du trépas :
D’un insensible bois ce sang ne coule pas.
Cette contrée a vu terminer ma misère ;
Mais celle où tu naquis ne m’est point étrangère :
Epargne donc ma cendre, ô généreux Troyen !
Ma patrie est la tienne, et ce sang est le mien.
Ah ! fuis ces lieux cruels, fuis cette terre avare :
J’y péris immolé par un tyran barbare.