Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 2.djvu/215

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Il fuit ; et mes sujets ne s’arment pas encore !
Ils ne poursuivent pas un traître que j’abhorre !
Partez, courez, volez, montez sur ces vaisseaux ;
Des voiles, des rameurs, des armes, des flambeaux !
Que dis-je ? où suis-je ? hélas ! et quel transport m’égare ?
Malheureuse Didon ! tu le hais, le barbare !
Il fallait le haïr, quand ce monstre imposteur
Vint partager ton trône, et séduire ton cœur.
Voilà donc cette foi, cette vertu sévère !
Ce fils qui se courba noblement sous son père,
Cet appui des Troyens, ce sauveur de ses dieux ;
Ah ciel ! lorsque l’ingrat s’échappait de ces lieux,
Ne pouvais-je saisir, déchirer le parjure,
Donner à ses lambeaux la mer pour sépulture,
Ou massacrer son peuple, ou de ma propre main
Lui faire de son fils un horrible festin ?
Mais le danger devait arrêter ma furie :
Le danger ; en est-il alors qu’on hait la vie ?
J’aurais saisi le fer, allumé les flambeaux,
Ravagé tout son camp, brûlé tous ses vaisseaux,
Submergé ses sujets, égorgé l’infidèle,
Et son fils, et sa race, et moi-même après elle.