Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 2.djvu/23

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Polydore est mon nom ; ces arbustes sanglants
Furent autant de traits qui percèrent mes flancs.
La terre me reçut ; et, dans mon sein plongée,
Leur moisson homicide en arbres s’est changée ».
A ces mots, sa voix meurt, mes sens sont oppressés,
Et mes cheveux d’horreur sur mon front sont dressés.
Le malheureux Priam, dans ses tendres alarmes,
Pour ce malheureux fils craignant le sort des armes,
L’avait au roi de Thrace, infidèle allié,
Avec de grands trésors en secret envoyé
Pour conserver ses jours et former sa jeunesse.
Le lâche, tant qu’Hector humilia la Grèce,
Respecta cet enfant, ses malheurs et son nom ;
Mais, dès que le Destin servit Agamemnon,
L’intérêt dans son cœur faisant taire la gloire,
Oublia l’amitié pour suivre la victoire.
Le cruel (que ne peut l’ardente soif de l’or !)
Egorge Polydore, et saisit son trésor,
Et la terre cacha sa victime sanglante.
  A peine j’eus calmé ma première épouvante,
Sur ces signes affreux du céleste courroux
Je consulte les dieux, et mon père avant tous.