Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 2.djvu/39

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Cassandre en ces temps malheureux !
Cédons aux lois du sort, obéissons aux dieux ».
Il dit : on applaudit, on dépose au rivage
Tous ceux que retenait ou leur sexe ou leur âge.
Le vent gonfle la voile ; et sur les vastes eaux,
Nous cherchons des périls et des climats nouveaux.
Le bord fuit ; devant nous s’étend la mer profonde ;
Partout les cieux, partout les noirs gouffres de l’onde.
Tout à coup la tempête, apportant la terreur,
Sur l’onde au loin répand sa ténébreuse horreur ;
Le vent tonne en courroux sur les mers qu’il tourmente,
Le flot monte et retombe en montagne écumante ;
L’œil ne distingue plus ni le jour, ni la nuit ;
Le pilote éperdu, que la frayeur conduit,
Abandonne au hasard sa course vagabonde.
Le ciel mugit sur nous ; sous nos pieds la mer gronde ;
Sur nous la foudre éclate ; et, d’un ciel ténébreux,
Mille horribles éclairs sont les astres affreux.
Le jour est sans soleil, et la nuit sans étoiles ;
L’onde brise la rame, et le vent rompt les voiles ;
Et la troisième aurore a revu nos vaisseaux
Abandonnés, sans guide, à la merci des eaux.