Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 2.djvu/47

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Oui, du vieux Latium vous atteindrez les ports ;
Mais vous ne pourrez pas vous fixer sur ses bords,
Que, pressés par la faim, dans votre rage extrême,
Vous n’ayez dévoré jusqu’à vos tables même ».
Elle dit ; et soudain, d’un vol précipité,
De l’épaisse forêt cherche l’obscurité.
Alors tout notre sang se glace dans nos veines ;
Alors nous abjurons nos espérances vaines.
Pour apaiser ce peuple, aux glaives impuissants,
Nous faisons succéder les prières, l’encens,
Soit qu’on adore en lui les déités des ondes,
Soit qu’il n’offre à nos yeux que des oiseaux immondes.
Anchise lève aux cieux ses vénérables mains :
« Dieux ! ô dieux ! écartez ces fléaux inhumains !
Venez à moi, dit-il, déités que j’encense !
Secourez le malheur, secourez l’innocence ! »
Il dit : au même instant de leurs câbles tendus
Les vaisseaux affranchis à la mer sont rendus.
Ils partent : l’aquilon gonfle, en sifflant, leurs voiles ;
Au gré du souffle heureux qui frémit dans leurs toiles
Ils fendent de la mer les bruyants tourbillons,
Et la proue en fuyant laisse au loin ses sillons.