Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 2.djvu/67

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Réunis autrefois, ne formaient qu’un pays.
Mais, par les flots vainqueurs, tout à coup envahis,
A l’onde usurpatrice ils ont livré la terre,
Dont le double rivage à l’envi se resserre :
Ainsi, sans se toucher, se regardent de près,
Et les bords d’Hespérie, et l’île de Cérès.
Entr’eux la mer mugit, et ses ondes captives
Tour à tour en grondant vont battre les deux rives :
Sublime phénomène, étranges changements,
De l’histoire du monde éternels monuments !
Deux monstres sont placés sur ce double rivage :
Charybde, qui dévore, en son avide rage,
Les flots précipités dans ses antres sans fonds,
Et soudain les vomit de leurs gouffres profonds ;
Scylla qui, dérobant ses roches dangereuses,
Appelle au loin, du sein de ses grottes affreuses,
Les vaisseaux que la vague y pousse en mugissant.
Ce monstre, d’une vierge a le sein ravissant ;
Son visage est d’un homme ; à la figure humaine
Se joint le vaste corps d’une lourde baleine ;
Ses flancs sont ceux d’un loup ; et de ce monstre enfin,
La queue en s’allongeant se termine en dauphin.