Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 2.djvu/93

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Il dit, baise nos pieds, les inonde de larmes,
Se colle à nos genoux. Nous calmons ses alarmes :
Nous demandons son nom, sa race, son destin.
Mon père, le premier, étend vers lui la main,
Et d’un tendre intérêt lui présente ce gage.
Il se rassure alors, et nous tient ce langage :
« Mon père, hélas !(pourquoi son fils l’a-t-il quitté ?)
Né pauvre, chérissait son humble obscurité.
Adamaste est son nom, le mien Achéménide ;
Ithaque est mon pays. La fortune perfide
Aux longs malheurs d’Ulysse attacha mon destin.
Votre Ilion m’a vu les armes à la main.
Depuis je fus jeté sur ces terres sauvages.
Du Cyclope inhumain, terreur de ces rivages,
Fuyant l’antre cruel, sans s’occuper de moi,
Les Grecs m’ont laissé seul dans ce séjour d’effroi.
Rien n’égale l’horreur de sa caverne affreuse :
Dans l’onde au loin s’étend sa voûte ténébreuse ;
Toujours la mort, le deuil, habitent dans son sein ;
D’horribles ossements pavent l’antre assassin.
Lui, (dieux ! d’un tel fléau n’affligez plus la terre !)
Semble d’un front hautain défier le tonnerre.