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Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 3.djvu/107

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Combien j’ai craint surtout le séjour de Carthage !
— O mon père ! c’est vous, c’est votre triste image
Qui, de tous les devoirs m’imposant le plus doux,
Du séjour des vivants m’a conduit près de vous.
Pour moi, pour mes vaisseaux, bannissez vos alarmes.
Donnez-moi cette main ; que je goûte les charmes
D’un entretien si doux. Ah ! ne m’en privez pas :
Laissez-moi vous tenir, vous presser dans mes bras !
De ce dernier adieu ne m’ôtez point les charmes ! »
Il dit, et de ses yeux laisse tomber des larmes ;
Trois fois, pour le saisir, fait de tendres efforts,
Trois fois l’ombre divine échappe à ses transport,
Tel fuit le vent léger, tel s’évapore un songe.
Cependant du héros l’œil avide se plonge
Au fond d’un bois profond, plein de verts arbrisseaux
Dont le doux bruit s’accorde au doux bruit des ruisseaux,
Le Léthé baigne en paix ces rives bocagères,
Là des peuples futurs sont les ombres légères,
Tel aux premiers beaux jours un innombrable essaim
Sort, vole autour des fleurs, se pose sur leur sein ;
Dans les airs, sur les eaux, le peuple ailé bourdonne,
Et de leur vol bruyant la plaine au loin résonne.