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Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 3.djvu/59

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Ou que ce peuple ailé, qu’en de plus doux climats,
Exile par milliers le retour des frimas,
Ou qui, vers le printemps, aux rives paternelles,
Revole, et bat les airs de ses bruyantes ailes.
  Tels, vers l’affreux nocher ils étendent les mains,
Implorent l’autre bord. Lui, dans ses fiers dédains,
Les admet à son gré dans la fatale barque,
Reçoit le pâtre obscur, repousse le monarque.
A cet aspect touchant, au tableau douloureux
Du concours empressé de tant de malheureux,
Le héros s’attendrit : « Prêtresse vénérable !
Pourquoi vers l’Achéron cette foule innombrable ?
Pourquoi de ces mortels, sur la rive entassés,
Les uns sont-ils reçus, les autres repoussés ?
Quel destin les soumet à ces lois inégales ?
— O prince ! devant vous sont les ondes fatales,
Le Cocyte terrible, et le Styx odieux,
Par qui jamais en vain n’osent jurer les dieux.
  Ce vieillard, c’est Caron, leur nautonier horrible,
Qui sur les flots grondants de cette onde terrible
Conduit son noir esquif. De ceux que vous voyez,
Les uns y sont admis, les autres renvoyés :