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Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 3.djvu/63

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La main au gouvernail, l’œil tourné vers les cieux,
Tandis que j’observais leur cours silencieux,
Par un sort imprévu précipité dans l’onde,
J’entraînai le timon dans ma chute profonde.
Mais, j’en atteste ici le terrible élément,
J’ai moins tremblé pour moi, dans ce fatal moment,
Que pour mes compagnons, pour vous, pour votre flotte,
Surtout pour mon vaisseau, privé de son pilote.
Durant trois longues nuits j’ai, d’un bras courageux,
Lutté contre les vents et les flots orageux ;
Enfin mon œil, du haut d’une vague écumante,
Vit de loin cette terre, objet de notre attente.
Sous le poids dont les eaux chargeaient mon vêtement,
Vers le bord désiré je nageais lentement :
Du bord que j’invoquais une vague m’approche,
Je m’élance, et saisis les pointes d’une roche.
J’aperçois des humains, j’implore leur secours,
Et leur lâche avarice a terminé mes jours !
Depuis, mon triste corps est le jouet de l’onde.
Voilà mon sort. Mais vous, par le flambeau du monde,
Par sa douce clarté que je ne verrai plus,
Par votre cher Ascagne et ses jeunes vertus,