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Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 3.djvu/69

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L’arracha tout tremblant du palais des enfers,
Dompta sa triple tête, et le chargea de fers ? »
  La prêtresse répond : « Bannissez vos alarmes,
Et voyez sans effroi ce guerrier et ses armes :
Pluton n’a rien à craindre, et le gardien des morts
D’aboiements éternels peut effrayer ces bords.
Que, sans craindre un rival, le roi de ces lieux sombres
Règne sur Proserpine ainsi que sur les ombres.
Fameux par ses vertus, fameux par ses exploits,
Enée est devant vous ; et, respectant vos droits,
A son père, habitant des fortunés bocages,
De l’amour filial il porte les hommages :
Si tant de piété ne peut vous émouvoir,
Voyez ce rameau d’or, et sachez son pouvoir ».
Il voit, il reconnaît ce précieux feuillage,
Que, depuis si longtemps n’a vu le noir rivage.
Il s’apaise, en grondant, s’avance au bord des flots,
En écarte la foule, et reçoit le héros.
Trop faible pour le poids, la nacelle fatale
Gémit, chancelle, et s’ouvre à la vague infernale.
Enfin sur l’autre rive, au bord fangeux des eaux,
Tous deux posent le pied parmi de noirs roseaux.