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Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 3.djvu/75

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Il tient l’urne terrible en ses fatales mains,
Et juge sans retour tous les pâles humains.
Non loin sont ces mortels qui, purs de tous les crimes,
De leurs propres fureurs ont été les victimes,
Et, détournant les yeux du céleste flambeau,
D’une vie importune ont jeté le fardeau.
Qu’ils voudraient bien revivre et revoir la lumière !
Recommencer cent fois leur pénible carrière !
Vains regrets ! Par le Styx neuf fois environnés,
L’onde affreuse à jamais les tient emprisonnés.
Ailleurs, dans sa profonde et lugubre étendue,
Le triste champ des pleurs se présente à leur vue.
Là ceux qui, sans goûter des plaisirs mutuels,
N’ont connu de l’amour que ses poisons cruels,
Dans des forêts de myrte, aux plus sombres retraites,
Vont nourrir de leurs cœurs les blessures secrètes :
Là le trépas n’a pu triompher de l’amour.
Là se voit rassemblé dans le même séjour
Tout ce qu’il eut de noble et ce qu’il eut d’infame,
Cette Evadné qui suit son époux dans la flamme ;
Phèdre, brûlant encor d’illégitimes feux ;
Procris, mourant des mains d’un époux malheureux ;
Et toi, qui te perdis par ton amour extrême,
Tendre Laodamie ! et Pasiphaé même.
Eriphyle à son tour montre aux yeux attendris
Les coups, les coups affreux que lui porta son fils ;
Cénis enfin, Cénis, tour à tour homme et femme,
Et tour à tour changeant et de sexe et de flamme.
Triste et sanglante encor des traces du poignard,
Didon, au fond d’un bois, errait seule à l’écart.
Comme on voit ou croit voir, sous des nuages sombres,