Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/108

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mon visage reflété par les glaces d’un halo jaunâtre. La réalité vulgaire de vivre me souffletait. J’avais honte de ma lâcheté, et je venais m’effondrer dans un regrettable cabaret des halles, où le colloque brutal des maraîchers enveloppait mon isolement d’un linceul souillé.

Mieux valait encore trouver dans l’amitié mon refuge. Quelques camarades et moi nous nous cramponnions les uns aux autres avec l’épouvante des naufragés. Parmi quantité d’appartements d’étudiants découpés sur le même patron, le mien passait pour le moins banal, pour le plus « riche ». On y entrait chaque lundi soir, quelquefois aussi durant la semaine, et c’était comme l’illusion d’un foyer. Les plaisanteries et les charges coudoyaient les notions transcendantes et le tout se bousculait au passage. Une grave discussion entamée au sujet de la natura naturans et de la natura naturata de Spinoza, c’est-à-dire au sujet de la substance de Dieu et de l’ensemble de ses modes, se