Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/128

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spécule, est comme un animal promené par un génie malin sur une bruyère aride, tandis qu’à l’entour s’étend un gras pâturage. »

Où mènerai-je paître le troupeau de mes désirs ? Tiendrai-je mon cœur en laisse et l’attacherai-je à l’arbre de la science, au milieu de la lande ? Alors il mourra de consomption, rêvant de forêts vierges et de hautes lianes. Ou bien le rendrai-je à la vie, au soleil, au lieu triomphant de ses premiers ébats. Là, dans un parc baigné de ciel, sous l’émoi des palmes heurtées et des fleurs vacillantes, il bondira avec docilité ; la joie de se reconnaître créera son ordre, et sa liberté ne sera que discipline.

L’ardeur avec laquelle, trois ans plus tôt, par une semblable nuit de novembre, j’avais saccagé des tiroirs et dis adieu à vos montagnes, je la retrouvai devant mes malles béantes. L’instant était identique. J’entassais en hâte les objets, témoins familiers de mes souffrances, de peur de me laisser apitoyer. Au fond je n’hésitais pas plus, que jadis je