Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/137

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chaîne limpide des Alpes pût s’abaisser sur quelques cyprès. J’ai idée, Mad, qu’en offrant ce terrain au village, mon père avait voulu que mon premier pas vers la désobéissance me forçât à enjamber sa tombe, et qu’en rentrant dans la demeure confiée à mes soins pour l’embellir et l’accroître, je dusse aussi longer ce petit mur semé de croix noires.

Pas plus que la place de la gare, le Drac, la vue de votre maison, — le cimetière ne m’émut. J’en éprouvai quelque dépit. Était-ce vraiment la peine, d’avoir en une minute, rompu avec trois années de débauches spirituelles et renoncé au narcotique de l’intelligence, pour ne pas goûter des impressions simples et ne pouvoir s’élever à la joie robuste d’un campagnard !

J’oubliais, Mad, qu’au centre de ma conversion prématurée siégeait un esprit rebelle, et que le sentiment de la nature ne parle qu’à l’humilité. Il y avait trop d’Hamlet en moi, je veux dire trop de volonté cérébrale