Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/145

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J’en étais donc à ma première leçon de vie, lorsqu’un mot me fut remis un matin par votre jardinier. Votre grand-père me priait de venir chez lui passer la veillée de Noël.

Cette lettre m’irrita par l’excès de bonté dont elle récompensait mon ingratitude. Depuis quarante jours que j’étais là, je n’avais fait aucune visite au plus cher ami de mon père, au meilleur des voisins, au plus indulgent conseiller de mon enfance. J’étais demeuré tapi dans mon antre, et voilà qu’on ne me gardait pas rigueur de mon air maussade, qu’on ne me faisait expier mon absence que par des bras tendus, que loin de se réjouir de ma misère on m’aidait à me retrouver en m’entourant de sympathie !


Il était neuf heures du soir comme je m’acheminai, une lanterne à la main, vers votre maison dont j’apercevais les lumières à travers les arbres immobiles, enlacés sous leurs banderoles de givre. Les Alpes se dressaient contre la bise, comme les vagues gi-