Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/153

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tombaient égales sur mes genoux. Elles coulaient silencieuses et tranquilles, comme une petite source qui sort d’une touffe d’herbe et qui serpente dans le sentier. On eût dit que j’allais me fondre en eau peu à peu, que mon sang, le sang de mon cœur et de mes artères s’était changé en rosée, perlait sans discontinuer à mes paupières.

J’aurais voulu demeurer ainsi, pleurer comme cela toute ma vie, jusqu’à mon dernier soupir. J’étais si heureux, si calme ! ces larmes me procuraient une telle quiétude ! Plus je pleurais, plus je me sentais ivre de pleurs. Je cherchais à en trouver d’autres. J’avais peur qu’elles ne me manquassent. Mais elles s’étaient si bien accumulées dans ma gorge que, lorsqu’elles eurent toutes coulé, il ne me resta plus qu’une immense joie et le sentiment d’une paix magnifique.

…Combien de temps restai-je en cet état ? Lorsque je relevai la tête, le feu s’alanguissait dans la haute cheminée. Votre grand-père se tenait toujours dans sa bergère