Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

puissance. Lorsque j’apercevais un trou, mon suprême désir me commandait de le remplir de pierres. C’est ainsi que je ne pouvais passer devant une bouche d’eau sans râcler un peu de terre avec la pointe de mon soulier et l’y faire choir, au grand désespoir du vieux jardinier François. Au contraire, je prenais un grand plaisir à ravager de ma pelle une allée bien unie comme un jour d’été.

J’avais donc pensé plomber de terre grasse ces dents de pierres déchaussées. Mais c’eût été terminer trop tôt un jeu agréable. Du mortier dans un trou, c’est un point final au bout d’une page. Or, un orifice qui bâille, c’est une âme qui a soif. Versons-lui donc des perles de cristal : et l’arrosoir se vide avec un joli gazouillis. Toutes mes facultés s’étaient concentrées là. J’attachais une grande importance à l’inanité de ce labeur. Il faut une fameuse habileté pour que le liquide soit proprement englouti. Si l’on verse trop fort, le puits, soudain rassasié, se met à vomir, et c’est de l’ouvrage gâché.