Page:Visan – Lettres à l’Élue, 1908.djvu/83

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Voilà sans doute pourquoi votre grand-père accueillit mon départ avec sérénité. Lorsque je lui eus appris mon projet de consacrer mes forces à l’étude de la haute philosophie, il ouvrit toute grande la fenêtre de son salon.

Le verger, déjà rongé par la rouille de novembre, s’étendait à nos pieds et l’on apercevait en face la demeure de mon enfance, droite, avec ses tuiles rouges, sous le ciel pâle. Nous contemplâmes, silencieux, les derniers rayons d’un soleil fauve déposant un suprême et grave baiser sur la robe somptueuse de l’automne. Votre grand-père me tenait par le bras. Au bout de quelques minutes, sans avoir prononcé une parole, il me laissa partir.

Il savait bien, le sage vieillard que son geste glorieux envahirait ma mémoire, quand sonnerait mon heure, et qu’aussitôt la nature entière rentrerait dans mon âme…