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Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/203

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Le Dieu prophète au sein des enfants d’Israël.
J’ai brisé l’apparence et montré le Réel
Et j’ai baigné l’esprit aux cascades du Rêve.
— Mais le corps est fragile et ma tâche s’achève.
L’heure vient où le doigt bienfaisant de la Mort
Réveillera mon âme alanguie, et qui dort
Aux langes de mes jours à l’étoffe grossière.
Et c’est pourquoi, le front maculé de poussière,
Ayant fui la rumeur des coteaux habités,
À l’ombre de ta grâce et de ta déité,
Dellayra, chère âme, ô fille de mes filles,
Je m’achemine vers ta chaumière qui brille
Aux sommets des vallons et que je ne puis voir.
Car, malgré ma pratique exacte du devoir,
Je suis encor privé de ta chère présence,
Et tu me vois marcher vers ton seuil en silence,
Pas à pas, et courbé de mon propre fardeau.
Tu vis selon mon être et tu dors sans bandeau
Le long de mon destin que ta clarté domine.
Tu traces les sentiers et tu me détermines
Aux carrefours embarrassants, tandis que moi,
Bien que voisin, je suis encor très loin de toi.
Je sens ma main trembler doucement dans la tienne,
Mais ta robe éternelle et tes pas me préviennent,
Et tant que je n’aurai vomi mon corps épais,
Je marcherai toujours sans t’atteindre jamais. »