Page:Visan - Paysages introspectifs, 1904.djvu/54

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rivales. En faisant qu’elles exigent toutes de notre esprit, malgré leurs différences d’aspect, la même espèce d’attention et, en quelque sorte, le même degré de tension, on accoutumera peu à peu la conscience à une disposition toute particulière et bien déterminée, celle précisément qu’elle devra adopter pour s’apparaître à elle-même sans voile »[1]. Rappelons-nous les Phares de Baudelaire ou telle pièce des Serres Chaudes de Mæterlinck ; celle-ci, par exemple, où le poète entasse à dessein les petits tableaux pour mieux nous faire pénétrer son impression subtile :

« Oh ! ces regards pauvres et las !…
« Il y en a qui semblent visiter des pauvres, un dimanche.
« Il y en a comme des malades sans maison.
« Il y en a comme des agneaux dans une prairie couverte de linges… »[2]

  1. Bergson, op. cit., p. 7.
  2. Citons encore la vision qui fut donnée au prophète Élie : « Une voix lui dit : « Sors et tiens-toi devant l’Éternel » ; et en effet l’Éternel passa. Il s’éleva un vent furieux et puissant à renverser les montagnes, à briser les rochers devant lui, mais l’Éternel ne fut pas dans ce vent ; après le vent ce fut un tremblement de terre, mais l’Éternel ne fut pas dans ce tremblement de terre ; alors ce fut le feu ; mais l’Éternel n’était pas dans ce feu. Mais après le feu, il se fit un léger murmure dans l’air et en l’entendant Élie se couvrit le visage de son manteau. » Rois III, chap. XIX, 11-13.