Aller au contenu

Page:Vitrac - Victor ou les Enfants au pouvoir, 1929.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Charles, je t’en supplie, réponds-moi. Oh, mon Dieu ! Marie, Joseph et tous les anges, déliez-lui au moins la langue, et qu’il parle, et qu’il réponde aux appels d’une mère dans la détresse. Victor ! Mon Victor ! Il se tait. Il est mort. Es-tu mort ? Si tu étais mort, je le sentirais. Rien n’est sensible comme les entrailles d’une mère.

(Victor se retourne en gémissant.)

Ah ! ah ! tu bouges. Tu n’es donc pas mort. Alors, pourquoi ne réponds-tu pas, dis ? Tu le fais exprès, tu nous persécutes, tu veux que je me torde les bras, que je me roule à terre. C’est cela que tu veux, hein ? Puisque tu remues ton grand corps il ne t’en coûterait pas plus de remuer ta petite langue. Il t’en coûterait moins. Tu ne peux pas parler ? Tu ne veux pas parler ? Une fois, deux fois ? Victor ! Une fois, deux fois, trois fois ? Tiens, tête de têtu.

(Elle le gifle.)
VICTOR

Si c’est pas malheureux, battre un enfant malade, un enfant qui souffre. Une mère qui gifle un enfant qui va mourir, qu’est-ce que c’est maman ?

ÉMILIE

Pardon, pardon, Victor. Je ne m’appartenais plus. Mais pourquoi aussi ne pas répondre ?

VICTOR

Qu’est-ce que c’est qu’une mère qui brutalise son fils moribond ?

ÉMILIE

Il fallait répondre, Totor, répondre mon petit.

VICTOR

Eh bien, je réponds… qu’une mère qui fait cela, c’est un monstre.

ÉMILIE

Pardon, Victor ! Je t’ai si souvent pardonné, tu peux bien après cette soirée, après cette nuit maudite, après toute la vie, tu peux bien… Mon Totor, songe que si tu allais mourir…