Page:Vitrac - Victor ou les Enfants au pouvoir, 1929.djvu/72

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IDA

Ah ?

(Un temps.)
VICTOR

Je suis bien sur vos genoux.

IDA

Assieds-toi mieux.

VICTOR

J’ai dit sur vos genoux ; mais enfin, c’est sur vos cuisses que je suis assis.

IDA

Tiens, c’est vrai, les expressions sont mal faites.

(Un temps.)
IDA

Et tu as neuf ans aujourd’hui. Neuf ans seulement ?

VICTOR

Au fait, ai-je neuf ans ? Je n’ai été initié à la notion d’âge qu’à mon quatrième anniversaire. Il a donc fallu quatre ans pour qu’on me persuade du retour périodique du 12 septembre. Peut-être pourrait-on me prouver un jour qu’il a fallu cent ans. Oui, rien ne s’oppose à ce que j’aie plus de cent ans.

IDA

Que dis-tu ?

VICTOR

Je dis que j’ai peut-être cent cinq ans.

IDA

On ne vit pas si vieux, il faudrait que tu meures.

VICTOR

Et ma mort ne prouverait même pas que je les aurais. On meurt à tout âge. D’ailleurs, il est bien possible que je meure bientôt, pour entretenir le doute, pour me donner raison, par courtoisie.

IDA

Assieds-toi un peu plus haut. Tu glisses et tu vas tomber.