Page:Vivien - Du vert au violet, 1903.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nouveau les soucis, les angoisses, les souvenirs, les remords, toute la mélancolie de vivre. Ne réveille donc pas Merwynn, qui dort parmi les primevères et les lys sauvages, »

Je la contemplai des yeux ravis de mon âme, et je sanglotai :

« Ô Viviane ! les caresses des autres femmes ne donnent que la volupté : les tiennes donnent l’oubli. Ne pourrais-tu m’accorder, à moi qui t’aime, l’éclair d’un baiser ?

— Je n’aime point les ombres qui passent, me répondit-elle. Merwynn seul posséda mon incomparable amour.

— Et pourtant, lui dis-je, tu l’as trahi, Viviane.

— Oui, je l’ai trahi, murmura la Magicienne de Brocéliande. Mais n’est-ce point la destinée des êtres de trahir éternellement ce qu’ils aiment ? Que la trahison soit médiocre ou immense, elle se glisse irrémédiablement entre les lèvres qui se possèdent. Oui, j’ai trahi Merwynn, je l’ai dépossédé de la sagesse, mais je lui ai donné ce qui est infiniment plus précieux : le néant de la pensée. »