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ANYTA DE MYTILÈNE

Jamais plus, réjoui des ondes propres à la navigation, jene lancerai mon cou, bondissant du fond de l’eau, ni je ne soufflerai avec force de mes belles lèvres le long des tolets du navire, charmé de mon torse. Mais la fraîcheur empourprée de la mer m’a poussé sur la terre ferme, et je gis sur ce rivage délicat.


Le souffle de la mer, adouci par le soir,
Ne réjouira plus mes lèvres et mes joues,
Et je ne verrai plus, le long des belles proues,
Mon image, comme en le métal d’un miroir.

Je ne monterai plus des profondeurs marines,
Je ne m’ébrouerai plus au soleil du matin,
Je ne me plairai plus au sourire enfantin
De l’aurore, jouant avec ses cornalines.

Ô passant, j’ai quitté le transparent émail
Des flots, où le vent pleure en d’étranges syllabes,
Où grouille obscurément la détresse des crabes,
À travers le soir gris que bleuit le corail.