Page:Vivien - Les Kitharèdes, 1904.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
185
KALLÔ

Ayant acquis, par la beauté lumineuse de son corps, de grandes richesses, Polyarchis voulait offrir à l’Aphrodite qui l’avait favorisée, de grandes richesses.

Kallô pâlit. Elle allait tenter l’effort unique, dans lequel se concentrent toute la fièvre et tout le désir d’une existence humaine· Elle comprit que ce labeur demandait la force entière d’une jeunesse. La gloire de cette Statue achevée ne laisserait plus après elle que l’oubli dans la Mort.

Il lui faudrait éterniser le songe fuyant de la Beauté entrevue, de la Beauté perfide et cruelle. Elle contempla les lèvres sinueuses et le périlleux regard de la courtisane. Cette femme incarnait les ruses de l’incertaine Déesse. Son corps, d’une souplesse énigmatique, semblait se dérober éternellement à l’étreinte sincère. Son sourire était à la fois une promesse et un mensonge.

Polyarchis interpréta le silence de l’Artiste. D’un geste solennel, elle surgit, nue, de ses blancs voiles dépouillés, nue et pareille à la Déesse surgissant de l’écume.

Kallô modela la Forme Divine d’après le beau corps mortel de sa Prêtresse. Mais elle sentait que la Statue absorbait peu à peu sa vie fébrile et que l’Œuvre était faite du sang de ses veines…

Et un jour l’Image d’Aphrodite à la chevelure d’or fut achevée. L’ivoire des membres luisait pâlement et les métalliques reflets des pesants cheveux étincelaient dans