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Page:Vivien - Poèmes, 1909.djvu/63

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À VENISE


J’épouserai la mer, la souveraine amante,
Le parfum et le sel de son royal baiser
Irriteront la soif de ma bouche brûlante,
Et, tel un souvenir qui ne peut s’apaiser,
S’élèvera le vent des espacés qui chante
Dans le ciel nuptial l’infini du baiser.

Je verrai tressaillir l’ombre des hippocampes.
Les algues s’ouvriront comme s’ouvrent les fleurs,
Et le phosphore, aux bleus rayonnements de lampes,
Allumera pour moi de vivantes pâleurs :
Afin de couronner mes cheveux et mes tempes,
Les algues flotteront, plus belles que les fleurs.

Ainsi, laissant flotter mon corps à la dérive,
Je mêlerai mon âme à l’âme de la mer,
Je mêlerai mon souffle à la brise furtive.
Se dissolvant, légère et fluide, ma chair
Ne sera plus qu’un peu d’écume fugitive.
Dans la pourpre du soir j’épouserai la mer.