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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/16

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dans la pieuse Angleterre, vouait au gibet tout homme qui, pour ne pas mourir de faim, volerait des vivres à son riche voisin. C’était enfin une loi et une institution qui, en Pologne et dans la « sainte » Russie, permettaient au seigneur de vendre ses serfs comme du bétail[1]. Je n’ai pas la présomption de juger les affaires particulières de la France ni de décider si la Révolution — comme des écrivains distingués et plus compétents que moi l’affirment — a fait plus de mal que de bien à ce pays[2]. Mais il ne faut pas oublier que, si chaque nation historique travaille plus ou moins pour le monde entier, la France a surtout le privilège d’une action universelle dans le domaine politique et social.

Si le mouvement révolutionnaire a détruit beaucoup de choses qui devaient être détruites ; s’il a emporté et pour toujours mainte iniquité, il a misérablement échoué en essayant de créer un ordre social fondé sur la justice. La justice n’est que l’expression pratique, l’application de la vérité ; — et le point de départ du mouvement révolutionnaire était faux. L’affirmation des droits de l’homme, pour devenir un principe positif d’ins-

  1. Je rappelle qu’en 1861 la Russie a fait son acte de justice en émancipant les serfs.
  2. Voir, entre les publications récentes, l'écrit très remarquable de G. de Pascal, « Révolution ou évolution. Centenaire de 1789. » Paris, Saudax, éditeur.