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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/170

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tement des autres — ex sese, non autem ex consensu Ecclesiæ.

Aux incertitudes de l’opinion la parole de Pierre oppose la fermeté et l’unité de la vraie foi ; à l’étroitesse des sentiments nationaux concernant le Messie, reproduits par les apôtres, elle oppose l’idée messianique dans sa forme absolue et universelle. L’idée du Messie qui a crû sur le terrain de la conscience nationale d’Israël tend à dépasser ce terrain dans les visions des prophètes postérieurs à l’Exil. Mais le sens réel de ces visions pleines de mystères et d’énigmes était à peine deviné par les écrivains inspirés eux-mêmes. Quant à l’opinion publique des Juifs elle restait exclusivement nationaliste et ne pouvait voir dans le Christ qu’un grand prophète national (comme Élie, Jérémie, Jean-Baptiste) ou tout au plus un dictateur tout-puissant, libérateur et chef du peuple élu, comme Moïse ou David. Telle était l’opinion la plus exaltée que le peuple qui suivait Jésus professait à son égard ; et nous savons que les élus eux-mêmes, jusqu’à la fin de sa vie terrestre, partageaient ces sentiments populaires (Ev. Luc, XXIV, 19-21). Ce n’est que dans la confession de Pierre que l’idée messianique se dégage de tout élément nationaliste et revêt pour la première fois sa forme universelle définitive. « Tu es le Christ, Fils du Dieu vivant. » Il ne s’agit plus d’un prophète ou d’un roi national ; le Messie n’est plus un second