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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/385

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lières ? Pourquoi les fidèles d’une paroisse ne se contentent-ils pas, en fait de paternité spirituelle, des souvenirs historiques concernant les premiers fondateurs de leur église paroissiale, pourquoi ont-ils encore besoin d’un père spirituel vivant, d’un curé permanent ? Et pourquoi les habitants de Moscou ne se tiennent-ils pas complètement satisfaits d’avoir une tradition sacrée et un pieux souvenir des premiers chefs de leur Église, des saints métropolitains Pierre et Alexis, pourquoi veulent-ils encore avoir avec eux un évêque vivant, un représentant perpétuel de cette ancienne tradition ? C’est méconnaître l’essence même, la raison d’être de l’Église que de reléguer sa paternité spirituelle dans le passé proprement dit, dans le passé qui n’a plus qu’une existence idéale pour nous. Les ancêtres barbares de l’humanité étaient plus sages : ils reconnaissaient la survivance des ancêtres, ils en faisaient même le principal objet de leur culte, mais, pour maintenir continuellement ce culte, ils exigeaient que l’ancêtre mort eût toujours un successeur vivant, l’âme de la famille, le prêtre, le sacrificateur, l’intermédiaire permanent entre la divinité invisible et la vie actuelle.

Sans un seul père commun à toute la famille humaine la vie terrestre des enfants d’Adam sera abandonnée à toutes les divisions, et l’unité n’aura ici-bas qu’une existence idéale. L’unité réelle serait chassée dans les cieux comme la mythique