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Page:Vladimir Soloviev - La Russie et l Eglise Universelle, Stock, 1922.djvu/62

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fait pour la culture des peuples européens, pour la paix internationale et le bon ordre social, — il y a d’autant plus de mérite qu’ils remplissaient là une fonction qui ne leur appartenait pas immédiatement. La zoologie et la médecine connaissent des cas où un organisme jeune et vigoureux, atteint par accident dans un de ses organes essentiels, transporte temporairement la fonction de celui-ci à un autre organe bien portant (ce qu’on appelle organe vicariant, vikarirendes Organ). La papauté impériale ou l’empire papal d’Innocent III et d’Innocent IV était cet organe vicariant. Mais cela ne pouvait pas durer indéfiniment. Il fallait des hommes tout à fait exceptionnels pour pouvoir s’appliquer aux particularités d’une politique mondaine vaste et compliquée, en les subordonnant toujours au but spirituel et universel. Après des papes qui ont élevé la politique à la hauteur d’une action morale, il y en a eu nécessairement de plus nombreux qui ont abaissé la religion jusqu’au niveau des choses matérielles. Si des historiens protestants ont glorifié les hauts faits de l’Empire pontifical, sa décadence subite est attestée par le plus grand des écrivains catholiques, qui, dans des vers immortels, appelait un nouveau Charlemagne pour mettre fin à la confusion funeste des deux pouvoirs dans l’Église romaine. (Dante, l’Inferno, canto XIX, il Purgatorio, canto VIe, XVI.)