Page:Vogüé - Cœurs russes, 1893.djvu/101

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vanité de propriétaire, l’unique arbre fruitier de ma serre, le merisier des steppes sur lequel j’ai greffé des prunes ; vous m’avez cru sur parole quand je vous ai dit que ce sauvageon, couvert d’épines et de baies amères, avait poussé l’an dernier une branche miraculeuse, chargée de reines-claudes grosses comme des œufs. Cet arbre est l’image de mon pays ; je n’en connais pas de plus exacte. Sur le jeune tronc sauvage, nous avons greffé çà et là vos idées d’Occident ; longtemps encore l’arbre continue à porter ses fruits naturels ; mais quelques rameaux, contraints de se soumettre à l’expérience, donnent le fruit nouveau ; nourri d’une sève trop violente, ce fruit apparaît transformé, monstrueux parfois. La plupart des gens qui le contemplent ne comprennent rien à cette végétation hybride ; beaucoup, trop pressés pour faire le