Page:Vogüé - Cœurs russes, 1893.djvu/14

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s’éteignirent brusquement, le ciel s’abaissa. Une ouate épaisse emplit l’espace, voila les objets les plus proches. D’énormes flocons, rares et lents d’abord, puis pressés et tumultueux, nous frappèrent au visage. Ils venaient de tous côtés et remontaient de terre plutôt qu’ils ne tombaient d’en haut. Un vent s’était élevé qui semblait faible et ne faisait pas de bruit ; pourtant il charriait les masses de neige à d’immenses portées. Le froid, insensible auparavant dans l’immobilité de l’air, nous prenait aux yeux et aux lèvres avec d’aigres morsures. Nous remontâmes précipitamment dans nos traîneaux de paysans ; les petits chevaux du village flairaient avec anxiété dans la direction de la route disparue et s’orientaient des naseaux vers la maison. Tout indice s’était évanoui ; pas de lignes à l’horizon ; des ténèbres creuses qui reculaient devant