Page:Vogüé - Cœurs russes, 1893.djvu/91

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porta à ses lèvres, et, à la barbe du Turc étonné, il souffla dans l’instrument.

Ce que Pétrouchka jouait, c’était la première phrase de notre hymne national et militaire : Dieu sauve le tsar !

Vous savez si elle est puissante et superbe, cette phrase ! Aux grands jours des fêtes d’armée, vous l’avez entendue passer comme une tempête sur le front des bataillons, faisant battre les cœurs, sonner les sabres et claquer les drapeaux. Dès qu’elle éclate, un froid serre à la gorge le plus tranquille de nous, et le sang se jette aux yeux, comme demandant à se répandre. – Ce jour-là, dans le fifre de Pétrouchka, elle n’avait pas son grondement de tonnerre ; prisonnière dans ce petit roseau, elle en sortait toute sourde, malheureuse et suppliante. Pourtant chacun la reconnut et tressaillit ; quelque chose d’oublié venait de