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jean d’agrève.

tant on sentait son désir disproportionné aux satisfactions que nous pouvons espérer de la meilleure vie. Je m’en rendais compte, lorsque j’essayais de remplir mon irremplissable, comme je l’appelais par taquinerie amicale, lorsque je proposais à son admiration les idées, les œuvres, les reliques de beauté que je croyais les mieux faites pour charmer en lui le penseur et l’artiste. Idées sublimes, sentiments ardents, réalisations parfaites de la beauté dans la nature et dans l’art, tout tombait dans son âme comme de la paille sur un brasier ; il s’enflammait un instant, il en jouissait violemment, et, aussitôt la jouissance dévorée, il s’élançait au delà, à la poursuite silencieuse d’un type connu de lui seul, antérieur et supérieur à tout ce qu’il rencontrait dans ses explorations. On eût dit que cette âme avait pris l’habitude du regard marin, toujours tendu pour chercher ce qui va surgir aux extrêmes limites de l’horizon, au delà du cercle visible. « C’est notre malheur, à nous autres gens de mer, de mesurer tout à une échelle infinie. » — Je me souviens de ce propos où il résumait ses observations sur lui-même.

Avec cela, — explique qui pourra cette