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aube.

Toulon, fermant l’horizon du couchant. Au sud, à l’est, la mer libre se perd sous le ciel d’Afrique et le ciel d’Italie.

Quelle est frappante à cette heure, sur les coteaux pâlissants au crépuscule, la particularité que j’avais déjà observée sous la clarté de midi ! Le feuillage soyeux des pins d’Alep, tremblant sur les roches grises, communique à ce paysage quelque chose d’aérien et d’immatériel ; tamisée à travers les écharpes floches qui semblent envelopper ces arbres, l’atmosphère baigne tous les objets voisins d’une brume fluide, pareille à celle qu’on voit flotter sur les tableaux de Corot. Cet effet m’avait toujours paru exagéré dans les œuvres du peintre : j’en ai compris la vérité sous les pins de Port-Cros, où la roche elle-même s’allège en apparition diaphane, se fond dans une vapeur de rêve.

— Jean avait raison, fit ici le ministre en interrompant sa lecture. Comme lui, j’ai été saisi, en mettant le pied à Port-Cros, par ce caractère de bois sacré qui attend les dieux. Mon ami ne me laissa pas le temps de me reposer dans sa maison ; à peine débarqué, il m’entraîna dans les sentiers de la montagne,