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Page:Vogüé - Jean d Agrève, 1898.djvu/67

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aube.

le Souvenir, la barque affectée au service de mon hôte. Moins chétif et moins lourd de formes que les autres bateaux de pêche, pimpant au soleil sous sa robe de peinture verte et sa voile rosée, le Souvenir faisait figure de vaisseau amiral sur la rade de Port-Cros, comme son patron y tranchait du capitaine de port. Tout fier de conduire un officier en tenue à bord d’un navire de guerre, l’ancien gabier s’était requinqué ; affublé, sous son chapeau de paille, d’une redingote invraisemblable, où il paraissait aussi gêné que Vendredi dans son premier habit, Savéû avait repris l’air pénétré de l’homme en service commandé : il fallait montrer aux novices de la Triomphante qu’on avait servi à l’État, dans son temps, et qu’on savait les choses. Une brise légère comme un appel de plaisir nous poussa d’une seule bordée à l’échelle du grand cuirassé qui battait pavillon amiral.

La journée était radieuse ; la lumière si intense que les ombres portées par quelques nuées sur la chaîne des Maures donnaient l’illusion, là où elles tombaient, de forêts de sapins noircissant entre les verdures plus claires. Encadrés par l’amphithéâtre de montagnes et d’îles, stables dans leur force su-