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aube.

vement qu’il fit, son sabre accrocha la drisse du pavillon ; la légère étamine s’abattit à mi mât ; il n’y avait plus un souffle de vent ; elle s’affala contre le bâton.

— Tiens, dit Savéû, voilà le pavillon du capitaine en berne ! Il n’a pourtant pas l’air d’un qui porte la mort !

La remarque joviale du matelot me donna froid jusqu’au fond de l’âme. Quelques instants encore, je distinguai dans les ténèbres croissantes le fantôme blanc qui fuyait, l’élégante silhouette de mon vieux camarade devant le signe du deuil marin, et, comme une phosphorescence de la mer, l’irradiation fauve de cette couronne blonde qui semblait absorber toute la lueur du petit fanal allumé à l’avant. Ils disparurent.

Machinalement, je me répétais, en les associant déjà, ces deux noms : Jean… Hélène…

Je courus à la gare. Mon train stoppait ; je cherchai Jean sur le quai ; je ne le vis point ; je ne l’ai jamais revu.

Pardonnez-moi de m’être attardé à ces souvenirs. Ils ne sont pour vous qu’un préliminaire de ce que vous attendez ; pour moi, ils sont le principal, ils ont le charme des dernières bonnes journées avant une large en-