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jean d’agrève.

comme si cette heure m’eût été précisément assignée, comme si je fussse venu pendant des années à cette place. Je pris une chaise volante vis-à-vis du banc, je me mis en frais de conversation. Nous échangeâmes quelques propos sur la fête qui nous avait réunis ; ce sujet épuisé, l’entretien languit. J’abordai les thèmes habituels du bavardage mondain, la liste des connaissances que nous devions avoir en commun, les derniers événements de la saison, le théâtre, les livres nouveaux ; je ne me sentais pas suivi sur ces terrains de vaine pâture, affectés par la routine aux premières rencontres entre deux esprits qui s’ignorent mutuellement. Quelques phrases distraites, quelques monosyllabes d’approbation, c’étaient ses seules réponses. Au début, je lui savais gré de ne pas me servir la médisance épinglée à chaque nom d’homme ou de femme que je prononçais, le jugement tout fait sur le roman ou sur la pièce à la mode. Bientôt, à bout d’efforts, j’en vins à des suppositions désobligeantes : mes amies de Cannes auraient-elles raison, cette belle personne serait-elle un peu simplette ?

J’hésitais entre cette explication de son mutisme et une autre interprétation plus irri-