Page:Vogüé - Le Portrait du Louvre, paru dans le Journal des débats, 25 décembre 1886.djvu/15

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tantôt assis devant quelque toile favorite, tantôt marchant à la recherche d’une autre. Sous le rayon de la lampe, la figure cherchée émergeait des ténèbres, si animée, si mobile dans le tremblement de clarté qui déplaçait les ombres des tempes, l’iris du regard. Des paupières palpitaient, des lèvres d’homme s’entr’ouvraient pour parler, des lèvres de femme pour sourire. Il comprit alors pleinement tout ce qu’il y a de pensée, accumulée depuis des siècles, derrière ces fronts pâlis, tout ce qu’il y a de vie sur ces faces attentives, qui ne ferment jamais les yeux. Ces yeux regardent les hommes depuis trois et quatre cents ans. Ces yeux pénétraient dans les siens, durant les muets tête-à-tête de la nuit ; ils fouillaient jusqu’au fond de son âme ; ils la tiraient et la buvaient insensiblement, comme font des yeux qui aiment