Page:Voiture - Lettres, t. 1, éd. Uzanne, 1880.djvu/265

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

laisse non plus emporter aux affections ni aux haines publiques, que je sçay estre quasi tousjours injustes. Je le considère avec un jugement que la passion ne fait pencher ni d’un costé ni d’autre, et je le voy des mesmes yeux dont la postérité le verra. Mais, lors que, dans deux cens ans, ceux qui viendront après nous liront en nostre histoire que le cardinal de Richelieu a démoly la Rochelle et abbattu Fheresie, et que, par un seul traitté, comme par un coup de rets, il a pris trente ou quarante de ses villes pour une fois ; lors qu’ils apprendront que, du temps de son ministère, les Anglois ont esté battus et chassez, Pignerol conquis, Cazal secouru, toute la Lorraine :jointe à cette couronne, la plus grande partie de l’Alsace mise sous nostre pouvoir, les Espagnols deffaits à Veillane et à Avein, et qu’ils verront que, tant qu’il a présidé à nos affaires, la France n’a pas un voisin sur lequel elle n’ait gagné des places ou des batailles, s’ils ont quelque goutte de sang françois dans les veines et quelque amour pour la gloire de leur païs, pourront-ils lire ces choses sans s’affectionner àluy ? Et, à vostre advis, l’aimeront-ils ou l’estimeront-ils moins à cause que de son temps les rentes sur l’Hostel de Ville se seront payées un peu plus tard, ou que l’on aura mis quelques nouveaux officiers dans la Chambre des comptes ? Toutes les grandes choses coustent beaucoup ; les grands efforts abbattent, et les puissans remèdes affaiblissent. Mais, si l’on doit regarder les Estats comme immortels, et y considérer les commoditez