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Page:Voiture - Lettres, t. 1, éd. Uzanne, 1880.djvu/54

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LETTRES

avec elle les yeux et les cœurs de toute l’assemblée : de sorte qu’abjurant l’erreur où j’estois de croire qu’elle ne dansast pas parfaitement bien, j’avoue à cette heure qu’il n’y a qu’elle seule qui sçache bien danser ; et ce mesme jugement a esté donné si généralement de tout le monde que ceux qui ne voudroient pas encore entendre tous les jours ses loüanges seroient contrains de se bannir de la Cour. C’est pour vous dire, Monseigneur, que, pendant que vous recevez de grands honneurs où vous estes, vous perdez icy de grands contentemens, et que la fortune, quelque grand employ qu’elle vous donne ailleurs, vous fera tousjours beaucoup de tort toutes les fois qu’elle vous tirera de vostre maison : car enfin, après avoir passé les Pyrénées, quand vous passeriez encore cette mer qui sépare l’Europe et l’Afrique, et qu’allant plus avant vous voulussiez voir cette autre partie du monde qu’il sembloit que la nature eust exprès éloignée pour mettre en seureté les trésors et les richesses, vous n’y pourriez rien trouver de si rare que ce que vous avez laissé icy ; et en tout le reste de la terre il n’y a rien d’égal à ce que vous avez à Paris. Cela me fait croire que vous n’en serez absent que le moins qu’il vous sera possible, et qu’aussi-tost que les affaires du roy vous le permettront, vous reviendrez icy posséder des biens dont il n’y a que vous seul qui soyez digne. Mais, Monseigneur, je ne sçay si l’on ne s’est pas trop fié à une nation qui a desja usurpé tant de choses sur nous que de vous avoir