gascon qu’a parlé Montaigne ; on a dit encore que c’est principalement avec des mots forgés par lui-même qu’il a écrit. Aujourd’hui, que le xvie siècle a repris faveur, que de toutes parts on se passionne pour les chefs-d’œuvre qui l’ont illustré, peut-être ne pense-t-on plus tout à fait de même, et commence-t-on à considérer l’auteur des Essais comme un auteur bien plus français qu’on ne l’avait cru jusqu’à nos jours.
J’ai voulu précisément chercher ce qu’il y a de juste dans cette opinion qui commence à avoir cours, et je m’attache, dans cette thèse, à déterminer quelle a été véritablement la langue de Montaigne. « À d’autres les Essais ont été l’anatomie de la philosophie par laquelle les plus abstruses parties de nostre nature se pénètrent ; » pour moi « c’est un pur estude grammairien. » C’est pourquoi, après avoir indiqué à quelles sources a puisé l’auteur pour écrire, et caractérisé sa langue, je donnerai un tableau sommaire des formes grammaticales qu’il a employées, les règles de syntaxe qu’il a suivies, le glossaire complet des Essais, en distinguant les mots qui sont particuliers à l’écrivain et ceux qui lui sont communs avec ses contemporains, enfin je tâcherai de définir et de préciser le caractère du style de Montaigne, de ce style qui, ayant l’air d’un parler simple et naïf, a toutes les qualités du langage le plus fort, le plus précis, et quelquefois même le plus magnifique qu’on ait jamais employé.