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LES RUINES.

établi de vastes communautés d’opinions ; les esprits se sont rapprochés, les cœurs se sont entendus ; il y a eu accord de pensée, unité d’action : ensuite un art sacré, un don divin du génie, l’imprimerie, ayant fourni le moyen de répandre, de communiquer en un même instant une même idée à des millions d’hommes, et de la fixer d’une manière durable, sans que la puissance des tyrans pût l’arrêter ni l’anéantir, il s’est formé une masse progressive d’instruction, une atmosphère croissante de lumières, qui désormais assure solidement l’amélioration. Et cette amélioration devient un effet nécessaire des lois de la nature ; car, par la loi de la sensibilité, l’homme tend aussi invinciblement à se rendre heureux, que le feu à monter, que la pierre à graviter, que l’eau à se niveler. Son obstacle est son ignorance, qui l’égare dans les moyens, qui le trompe sur les effets et les causes. À force d’expérience il s’éclairera ; à force d’erreurs il se redressera ; il deviendra sage et bon, parce qu’il est de son intérêt de l’être ; et, dans une nation, les idées se communiquant, des classes entières seront instruites, et la science deviendra vulgaire ; et tous les hommes connaîtront quels sont les principes du bonheur individuel et de la félicité publique ; ils sauront quels sont leurs rapports, leurs droits, leurs devoirs dans l’ordre social ; ils apprendront à se garantir des illusions de la cupidité ; ils concevront que la mo-